Conférence de Philippe Lambert à Rochechouart
Certains membres de l’ADAES ont eu le plaisir de participer, le samedi 28 novembre, à une conférence organisée par toute l’équipe de nos amis de l’association d'astronomie de Rochechouart "Pierre de Lune". Une rencontre passionnante, animée par l’astrogéologue Philippe Lambert Directeur du CIRIR (Centre International de Recherche & Restitution sur les Impacts et sur Rochechouart).


Philippe Lambert est un astrogéologue, ancien chercheur associé à la NASA et spécialiste mondial des roches soumises aux impacts météoritiques. Depuis les années 1970, il consacre une grande partie de ses travaux à l’astroblème de Rochechouart-Chassenon, dont il est aujourd’hui l’un des meilleurs connaisseurs. Il a joué un rôle essentiel dans la reconnaissance scientifique du site, notamment en dirigeant le CIRIR, centre international dédié à la recherche sur les impacts. Lors de cette conférence, il a retracé avec passion son parcours et la manière dont cette météorite a littéralement façonné sa carrière.

Il a expliqué que l’astéroïde s’était entièrement vaporisé lors de l’impact : aucun fragment n’ayant survécu, il fallait donc prouver son existence autrement. La croûte terrestre contient très peu de métaux comme le nickel ou l’iridium, car dans la jeunesse de la Terre ces métaux lourds ont migré vers le noyau. Les météorites, elles, sont bien plus riches en matériaux ferreux. Lambert a donc prélevé des roches sur le site pour y chercher une concentration anormale de nickel. À l’époque, analyser l’iridium aurait coûté une somme astronomique, car cela nécessitait un dispositif nucléaire. Le nickel, lui, était mesurable : et les résultats ont montré une teneur bien supérieure à celle des roches locales. Associée aux marques de choc déjà observées, cette anomalie chimique offrait une preuve simple et solide que l’on était bel et bien en présence d’un impact météoritique.

L’astéroïde a frappé Rochechouart il y a 200 millions d’années, il devait mesurer environ 2 km de diamètre et percuter la Terre à près de 20 km/s, libérant une énergie équivalente à des dizaines de millions de bombes nucléaires. L’impact a creusé un cratère pouvant atteindre 50 km de large, ravageant des milliers de kilomètres carrés et transformant en profondeur la géologie locale. Aujourd’hui, même si le relief du cratère a disparu sous l’effet de l’érosion, les roches fondues, les impactites et les anomalies chimiques témoignent encore de cet événement cosmique d’une puissance inouïe.
Par ailleurs, Philippe Lambert nous a également informés qu’en 2029 un astéroïde nommé Apophis passera extrêmement près de la Terre, au point, selon son expression de nous « friser les moustaches ». Cet astéroïde d’environ 340 m de diamètre frôlera notre planète le 13 avril 2029, à seulement 32 000 km de la surface, soit plus bas que certains satellites géostationnaires. Aucun risque d’impact n’est prévu, mais l’événement reste exceptionnel : jamais un objet de cette taille n’aura été observé d’aussi près. Pour les scientifiques, ce sera une occasion unique d’étudier en direct l’effet de la gravité terrestre sur un astéroïde, sa trajectoire, sa rotation et peut-être même sa structure interne.
Le météorite de Rochechouart était toutefois environ 6 fois plus large… et plus de 60 fois plus volumineux.

Cet objet spatial s’est formé dans la ceinture principale d’astéroïdes entre Mars et Jupiter au tout début de la formation de notre Système solaire, il y a environ 4,6 milliards d’années.
Au cours de millions d’années, les interactions gravitationnelles avec les planètes, principalement Jupiter, ont modifié son orbite. Apophis croise désormais la trajectoire orbitale de la Terre et est donc classé dans la catégorie des “astéroïdes géocroiseurs”.
Son orbite autour du Soleil dure environ 0,9 année terrestre avant son passage rapproché de 2029; après celui-ci, cette orbite durera 1,2 année terrestre.

Lors de cette conférence, nous avons également eu le plaisir de croiser nos amis de l’association d’astronomie REGULUS, venus profiter eux aussi de ce moment privilégié.
un grand merci à Philippe Lambert pour ses récits passionnants, nourris d’anecdotes sur son parcours aux États-Unis et sur les efforts déployés pour faire reconnaître l’impact de Rochechouart. Grâce à lui, le site attire aujourd’hui des chercheurs du monde entier. Mais il a également tenu à rendre hommage à François KRAUT du CNRS, le géologue qui, le premier, a compris la véritable nature du site en En 1967, qui en examinant ces roches de plus près a observé dans les quartz, des structures de choc et ouvert la voie à toutes les recherches qui ont suivi. Sans sa découverte visionnaire, rien de tout cela n’aurait été possible. Pour nos associations, disposer d’un tel patrimoine scientifique à deux pas de chez nous est une véritable chance et une richesse dont nous sommes fiers d’être les témoins.
Franck SELLERET
