BARNARD 33

BARNARD 33

Janvier 2020,
Une quarantaine de clichés (800 iso, poses 300s). Ciel sans lune avec cependant un peu de condensation, mais qui se transforme vite en glace en fin de nuit. Canon 1300D filtre Astrodon, télescope Newton 200/1000, F/D = 5, monture EQ6. Suivi avec (APT, PHD2)
Traitement en deux parties, couche de luminance et couches RVB avec le logiciel Pixinsight.

Nébuleuse de la tête de cheval

Cliquer pour voir l’image en détails

Cette tête obscure est située juste en dessous de la très présente étoile Alnitak.Une nébuleuse obscure est une région où les poussières semblent se concentrer en grands nuages. Celles-ci ne peuvent être vues que si elles obscurcissent une partie d’une nébuleuse en émission ou de réflexion et c’est le cas de la tête de cheval dont la distance représente 1600 années-lumière. Cette tête d’équidé a été découverte pour la première fois en 1888 par Williamina Fleming sur une plaque photographique prise à l’observatoire du Harvard Collège.

 

Williamina Fleming

Voici la fameuse plaque en verre de l’époque, négatif de la photographie :

Pour l’histoire, Edward Charles Pickering astronome et physicien américain, en 1881 : après avoir été déçu par ses collaborateurs, prononce cette phrase. «Ma bonne aurait mieux fait le travail” est l’expression typique que chaque employeur prononce lorsqu’il n’est pas satisfait de la façon dont ses employés ont travaillé. Pickering ne rigolait pas et a réellement appliqué ses menaces à la lettre en engageant sa bonne. Madame Fleming était une Écossaise qui avait cherché fortune aux États-Unis et s’était retrouvée à travailler en tant que serveuse chez ce scientifique directeur de l’Observatoire de Harvard.

Observatoire à l’époque à Cambridge

 

Observatoire de nos jours :

Au départ, cette dame s’était vu confier des tâches simples en tant qu’employée. Au fil du temps, Pickering lui a confié des tâches de plus en plus importantes, jusqu’à ce qu’elle devienne elle-même directrice d’un groupe de 11 femmes participant à l’analyse des photographies prises par le télescope de l’observatoire.

Les Harvard Computers (« calculatrices de Harvard »). Un anglicisme venu du mot latin “computare” – calculer, et qui sera le premier nom donné à l’ancêtre des ordinateurs.

±Il est admis que Pickering a engagé des femmes plutôt que des hommes, parce que celles-ci étaient moins bien payées et que la quantité d’informations à traiter dépassait les capacités de traitement de l’observatoire.

Il cherchait des collaboratrices peu exigeantes en matière de salaire ; lui-même cherchait les financements pour son laboratoire et devait tenir son budget. Les computers remplissaient toutes les conditions car « elles gagnaient entre 25 et 50 centimes de l’heure. C’est la moitié de ce qu’un homme aurait gagné »

±« La maîtrise de l’arithmétique de base et une écriture lisible sont les seules qualifications requises pour devenir un ‘computer’. Mais bien sûr, des connaissances en mathématiques sont les bienvenues », peut-on lire dans une lettre adressée à une candidate.

±Madame Fleming est donc la première femme à intégrer le laboratoire. Dès son plus jeune âge, elle manifeste un vif intérêt pour les études et à 14 ans fait office de maîtresse d’école dans les écoles publiques de sa ville d’origine, Dundee en Ecosse. A 20 ans, elle épouse James Fleming. Un an après son mariage, en 1877, le couple émigre à Boston (Nord Est des Etats-Unis). En 1879, alors qu’elle est enceinte, Mr. Fleming la quitte. Seule dans un pays qui n’est pas le sien et mère célibataire, elle toque à la porte d’Edward Pickering, qui cherche une bonne. Cette grande scientifique en puissance passera peu de temps un balai à la main. Son patron lui demande très vite de faire quelques calculs dans son laboratoire et occasionnellement de remplacer son assistant.

±Pickering a du flair. Fleming fera bien plus que quelques calculs. Mais avant de déployer tout son potentiel, elle commence par les bases. Le travail consiste à étudier des plaques photosensibles en verre, plus sensibles à la lumière que l’œil humain. « Dans ces plaques en verre, elle devait mesurer les positions relatives des étoiles et identifier leurs caractéristiques. Puis, consigner ces informations dans des cahiers qui deviendraient plus tard des catalogues »

±Certaines photos étaient prises à l’aide d’un prisme qui était accroché au télescope. C’est un spectroscope qui servait à étudier le spectre lumineux des astres, en quelque sorte la couleur. Il y a des étoiles jaunes, rouges, bleues… La lumière émise dépend de leur composition et température. Chaque étoile pouvait donc être classée selon ces caractéristiques. C’est en comprenant ce principe et en l’affinant que les femmes de ce laboratoire, notamment Williamina Fleming, ont fait un apport essentiel à la science»

Voici le développement de cette plaque :

±Madame Fleming prit de plus en plus d’importance dans la structure et en vint à réaliser elle-même une méthode de classification des étoiles, divisant les étoiles en A (riche en hydrogène) et B (pauvre en hydrogène). Elle a découvert 59 nébuleuses, plus de 310 étoiles variables et 10 novae.

Sur le mur, un graphique de la luminosité variable d’Aurigae en décembre 1889 :

Beta Aurigae est un système d’étoiles binaires, mais il apparaît comme une étoile unique dans le ciel nocturne. Le développement de la photographie a permis de comparer ces luminosités sur une plaque photographique. Actuellement, elles sont mesurées précisément à l’aide d’un détecteur photoélectrique ou à l’aide de caméra CCD.

BETA AURIGAE décembre 1889

Ces luminosités sont tracées sur un graphe nommé courbe de lumière qui représente la magnitude en fonction du temps. Ce graphe permet de déterminer l’amplitude des variations et leur période. L’enregistrement de ces courbes de lumière est un des seuls domaines de l’astronomie où les amateurs peuvent réellement aider les professionnels, voire effectuer du vrai travail de recherche.  C’est un système binaire dont la magnitude apparente combinée varie sur une période de 3,96 jours entre 1,89 et 1,94 , car toutes les 47,5 heures l’une des étoiles éclipse partiellement l’autre du point de vue de la Terre.

Par curiosité j’ai superposé l’ancienne photo avec un de mes négatifs récents datant de 2018. L’ancienne photographie se trouvant en-dessous (étoiles représentées en blanc), la mienne au-dessus, étoiles en noir)

Même s’il y a un décalage évident entre les étoiles à cause de l’angle de prise de vue, il faut admettre que toutes les principales étoiles sont encore bien présentes et que 132 ans représentent à l’échelle astronomique l’équivalent temporel d’une étincelle entre deux silex.

Autre curiosité au sujet des prises de vues sur plaque en verre.

Bien qu’anciennes, ces plaques peuvent receler des informations non exploitées à l’époque, comme des petits corps dans le Système solaire.

Un exemple :

Concernant l’astéroïde Eros, plusieurs plaques ont été retrouvées lors d’un passage au périhélie. (Point de l’orbite d’un objet qui est le plus proche du Soleil) Le passage rapproché de septembre 1930 en fait partie.

Un scan très fin des plaques (jusqu’au grain de l’émulsion photographique) a permis d’explorer la zone supposée. Dans un premier temps, les étoiles brillantes à proximité servent à identifier le champ visé, sa rotation et son grossissement.

Au final, Eros est révélé sur la plaque, à l’endroit prévu. Il laisse une trace sous forme d’un petit segment, correspondant à son déplacement propre sur le fond du ciel pendant la durée d’exposition de la plaque.

La position est confirmée par des éphémérides modernes comme celles du Minor Planet Center (MPC), et démontre leur précision lorsque l’on remonte le temps. Le début et la fin du segment correspondent précisément aux heures de début et de fin de pose indiquées sur la plaque.

A l’époque, cette trace était passée inaperçue. C’est véritablement de l’archéologie astronomique..

Astéroïde Eros

Son orbite l’amène périodiquement très près de la Terre.

(Sources : Wikipédia et différents sites dont certains passages rapportés et aménagés pour rédiger ce sujet)

Franck SELLERET

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